« Boire de Loire et Verdiaux », huile sur toile, 100 x 100 cm

La Rivière pour se connaître

Dès mon enfance, l’éveil à la rêverie s’est révélé près du grand fleuve qui baigne mon village. Près de l’eau mouvante, claire et calme, la poésie a pris naissance en moi. La contemplation de l’image du fleuve sans cesse renouvelée devint ma quête intérieure.

Chaque année, j’attendais le moment des grandes vacances chez mes grands-parents maternels pour me plonger dans ce bain de liberté que sont les rivages du fleuve, source intarissable d’expériences et de visions pour mes yeux d’enfant. Combien de fois ai-je essayé, sur les grèves ensoleillées, de saisir dans ma main une poignée de sable dont les grains filaient imperceptibles entre les replis de mes doigts ?

Les myriades de particules retombant sur d’autres myriades me bouleversaient et me remplissaient d’humilité. Ma pensée se perdait dans les immensités illusoires et insaisissables, m’obligeant à chercher au fond de moi une réponse. Dès lors, une voie s’ouvrait, progressivement, autre que celle de mes sens : celle du « sentir » issue d’un élan intérieur et révélateur de certitudes. Le dessin s’imposa tout naturellement comme l’outil de mon investigation. Je cherchais un langage tout en m’imprégnant des impressions changeantes du fleuve.

J’ai appris à quitter les limites du visible pour vivre « la Rivière », symbole du courant de la pensée. J’étais un voyageur errant le long de cette rivière invisible, plus réelle que le flot coulant, ses grèves incertaines, ses rivages ombragés par les grands saules et peupliers sauvages. Combien de fois ne suis-je passé de « l’Autre Côté », sur le rivage opposé, que je peignais poursuivant ce mystérieux ailleurs plein d’espérances et de promesses picturales ?

J’ai quitté finalement les apparences ligériennes pour trouver cet authentique fleuve de joie qui coule en moi, où la moindre touche de couleur sur la toile peinte provoque une sensation indéfinissable de Réalité. L’harmonie du fleuve est la source bien réelle, bien établie au fond de nous-mêmes, elle attend l’Eveil. La peinture est le lien mystique. Quand le soir descend sur la Loire tiède des chaleurs de l’été ou humide des brumes de l’automne, je sens l’harmonie nécessaire à la création venir en moi. Alors, vient en moi cette pensée de Michel-Ange : « Je ne sais où je vais, ni comment, ni pourquoi, ce qui me mène au but est un autre que moi, mais je marche ébloui de présence inconnue ».

Jacques OUSSON

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